Adil Kada, gérant de fonds, fait le point sur Portzamparc Entrepreneurs ISR.
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Le fonds poursuit sa transformation
Portzamparc Entrepreneurs ISR est un fonds investi dans les actions européennes de petites et moyennes capitalisations. La capitalisation moyenne pondérée est de 4.3 milliards et la capitalisation médiane est 5.6 milliards.
Le fonds a poursuivi sa transformation vers une plus grande diversification géographique au sein de l’espace économique européen. La part européenne hors France a ainsi évolué vers 75 % contre 20 % avant la mutation du fonds. Par ordre d’importance, ensemble la France, l’Allemagne et l’Italie représentent 56 % des encours.
Un premier trimestre conflictuelle
L’environnement global a été très instable au premier trimestre et la visibilité demeure limitée pour le reste de l’année. Alors que nous nous dirigeons vers une reprise des échanges après une période prolongée de fermeture liée à la pandémie, un conflit s’est déclenché à l’est de l’Europe. La guerre en Ukraine a surpris les chancelleries européennes au même titre que les marchés qui ont enregistré de très forts pics de volatilité.
Un élément n’a pas changé toutefois : l’ascendant de la value sur la croissance. Ainsi, les secteurs cycliques peu chers ont été favorisés aux dépens des sociétés à forte visibilité et relativement mieux valorisées. La surperformance entamée depuis plusieurs trimestres de la value n’a pas changé malgré la volatilité. L’instabilité géopolitique l’a même amplifié.
Nous devons souligner néanmoins quelques changements liés au conflit. Citons par exemple le secteur de la défense qui a fortement surperformé. Il a été surprenant de noter la rapidité avec laquelle le gouvernement allemand a décidé de doubler son budget alloué aux armées en quelques jours. Celui-ci, ramené à environ quatre-vingt milliards d’euro propulse l’Allemagne au troisième rang mondial des dépenses militaires. De l’autre côté, le secteur bancaire qui faisait partie des leaders sectoriels du marché, a été affecté dans son ensemble par les tensions géopolitiques mais également pénalisé par certaines banques directement exposées à la Russie et la perspective d’un report de la hausse des taux.
En ce qui concerne les perspectives, les institutions mondiales commencent à réviser à la baisse leurs estimation de croissance du PIB. Cette baisse concerne essentiellement le continent européen, plus exposé au conflit. En effet, l’isolement de la Russie aura plus d’impact sur le continent européen du fait de l’importance des échanges notamment sur les matières premières.
Les perspectives de résultats d’entreprises ont de leur côté été peu révisées à date, mais ça ne peut qu’évoluer avec les prochaines publications du premier trimestre.
Les contributeurs à la performances
- Les contributions négatives
Soitec a couté au fonds 1.6%. Soitec est une société active dans le segment des semi-conducteurs avec l’une des meilleures perspectives de croissance du secteur. Cela n’a pas changé mais l’origine de la baisse est liée au changement de gouvernance qui s’est opéré de façon chaotique et non coordonnées avec les différentes parties prenantes.
En effet, un conflit larvé au sein de la société entre le conseil d’administration et les cadres du groupe, a été divulgué au public et a engendré une forte chute de titre, jusqu’à -20% en une journée.
Sachant que la qualité du management et de la gouvernance a un impact central sur la performance des sociétés et que ceux-ci sont des critères importants dans notre décision d’investissement, nous sommes sortis rapidement en attendant de noter une amélioration et une stabilité au niveau de la gouvernance.
- Les raisons de la contribution négative de Soitec sont particulières. Pour le reste des contributeurs négatifs, nous constatons une prépondérance des valeurs de forte croissance que ça soit dans la technologie ou dans la santé. Ceci est lié aux arbitrages sectoriels qui dominent le marché depuis plusieurs trimestres.
- Nous retrouvons dans ce cas Dermapharm, une société de santé allemande qui a reculé de 35% au cours du trimestre et malgré la publication d’excellentes performances opérationnelles et le relèvement de ses objectifs d’EBITDA pour la fin d’année 2021 en plus des perspectives de croissances favorables pour 2022. Dans le même secteur, Sartorius Stedim Biotech a reculé de 26% ce trimestre. La société, fabricant d’équipements de santé, a souffert de la rotation sectorielle. La société a certes bénéficié du fort effet de la crise pandémique sur la demande, à savoir 20% de croissance lié au seul effet du covid, mais d’autre relais plus structurels demeurent et offrent de belles perspectives à la société.
- Enfin, clôturons ce chapitre de mauvais contributeurs avec Coface dont l’activité principale est d’assurer le bon règlement des transactions commerciales. La société a fortement souffert du déclenchement du conflit et des sanctions appliquées à la Russie. L’exposition à la Russie est négligeable alors que le modèle d’affaires de la société fait que les expositions géographiques ou sectorielles sont de courte échéance et peuvent être réduites rapidement contrairement aux autres segments de l’assurance.
Les contributions positives
- Ici, nous retrouverons des publications qui ont favorablement soutenu les titres ou des progressions liés aux secteurs qui ont bien performé comme les matières premières. En premier lieu, nous retrouverons Catana un constructeur de catamarans. La société bénéficie de la forte demande pour ses produits, qui s’est traduite par des résultats records. Cette demande a été suscitée par le développement de nouveaux modèles de catamarans qui ont attiré un fort attrait de la part des particuliers et des loueurs.
- Le transporteur norvégien Wallenius Wilhemsen a progressé de 36%, porté par des résultats en forte hausse. La société est spécialisée dans le transport du matériel roulant et industriel. Elle bénéficie d’un taux de remplissage élevé qui lui procure une capacité de relèvement des prix. La hausse des résultats sert également à améliorer son agilité financière en réduisant sa dette.
- Si nous abordons un autre secteur, plus précisément celui du segment des isolations des bâtiments, un segment stratégique pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et notre dépendance aux énergies fossiles. Nous avons investi ce segment via la société belge Recticel. Cet investissement initié au dernier trimestre continue de performer grâce à une dynamique de croissance maintenue et des perspectives renforcés par l’acquisition de Trimo un autre acteur de l’isolation.
Dans un secteur des technologies délaissé par les investisseurs, Be Shaping the future une société de conseil en technologie se démarque en s’adjugeant 15.2%. La société a reçu une offre d’acquisition de la part d’un concurrent. L’actionnaire principale a donné son accord pour cette OPA.
Enfin, le fonds a bénéficié de la progression de Bank of Ireland une banque de taille moyenne présente en Irlande et au Royaume Uni. A contre-courant du secteur elle s’est adjugée 16.5%.
Les mouvements du portefeuille
En contrepartie, les baisses du portefeuille ont concerné essentiellement des valeurs cycliques comme Aperam et Jacquet Metals dans le segment des matières premières. Elis, blanchisserie industrielle dont les clients sont dans le secteur de l’hôtellerie et la restauration, baisse de 8 %.
La raison commune à ces baisses est l’apparition du variant Omicron au courant du mois de Novembre. L’apparition de ce nouveau variant a remis la crise sanitaire au-devant de la scène. On commençait à craindre une mise en place de nouvelles restrictions sanitaires telles que l’on a connu suite à l’apparition du variant Delta. Des études sérieuses ont démontré néanmoins que ce variant est beaucoup moins virulent que les précédents malgré une contagiosité supérieure. La prudence reste néanmoins de rigueur, car nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles évolution sur ce front sanitaire qui n’a pas manqué de nous surprendre depuis 2020.
Les mouvements du portefeuille
Les arbitrages ont lieu dans un contexte particulier de poursuite de la diversification du fonds vers plus de valeurs européennes et dans un marché qui accélère dans la rotation sectorielle et la digestion des changements de paradigme monétaire, économique et géopolitique.
Nous nous sommes renforcés dans le secteur bancaire. Nous pensons que la hausse des taux courts et des taux longs se traduira par une meilleure rentabilité des métiers de financement et de l’épargne si l’environnement économique ne se détériore pas. Nous sommes ainsi rentrés dans Bawag Group en Autriche, et Banco Sabadell en Espagne. Ces banques d’ailleurs ne seront que peu impactées par la volatilité du marché car elles ne sont pas présentent dans le trading ou la banque d’investissement. Notons également que la présence géographique de ces banques se limitent à quelques pays en Europe occidentale.
Nous avons introduit OCI un chimiste néerlandais qui fabrique entre autres des engrais azotés. La forte demande en provenance des agriculteurs devrait soutenir l’activité cette année. Nous avons introduit également Norsk Hydro un des plus important acteurs au monde dans le marché de l’aluminium, un marché qui bénéficie d’un fort dynamisme. Dans un contexte de hausse des prix de l’énergie, Norsk hydro a l’avantage comparatif de posséder ses propres sources d’électricité et à ce titre est l’un des principaux détenteurs de centrales hydroélectriques en Norvège.
Au niveau des ventes, nous avons préféré sortir de Maisons du Monde. La société a réalisé d’excellent taux de croissance en 2021, mais la visibilité est moins favorable à cause des bases de comparaison et du risque d’érosion de la consommation dans un contexte de forte inflation.
Dans le fonds Portzamparc Entrepreneurs ISR, cela se traduit par un renforcement des sociétés industrielles avec un fort pricing power comme sur Wallenius Wilhemsen, du secteur bancaire qui représente 9 % du fonds en contrepartie d’ une réduction progressive du secteur des technologies qui se situe à 19 % à la fin du trimestre.
Pour le reste de l’année plusieurs scénarios sont possibles et tout aussi probable les uns que les autres. Malgré la hausse des risques, la croissance économique devrait être au rendez-vous. La forte inflation qui devrait atteindre un pic cette année privilégiera les sociétés pouvant répercuter les prix à leurs consommateurs. De même la hausse des taux obligataires prévue cette année quasiment dans toutes les zones monétaires devrait favoriser les sociétés financières mais pénaliser les sociétés chèrement valorisées.
Les performances passées ne préjugent pas des performances futures et ne sont pas un indicateur fiable des performances dans le temps. Propos recueillis le 26/04/2022